C'était en janvier 2015 alors que trois des plus hauts gradés de l'Office national de l'Énergie (ONÉ) travaillaient sur un plan de communication pour vendre le pipeline aux Québécois. Comment y arriver? Entre autres, utiliser Denis Coderre pour convaincre le Québec.

De leur bureau de Calgary, Lyne Mercier, vice-présidente de l'ONÉ, Josée Touchette, chef de l'exploitation et Tom Neufeld, vice-président aux communications, étaient tous impliqués dans l'élaboration du plan.

« Comme demandé par Josée, Lyne et moi, j'ai un plan média pour vendredi », a écrit Neufeld dans un courriel datant du 13 janvier à son patron, Peter Watson, président et premier dirigeant de l'ONÉ.

« J'ai parlé avec la personne aux communications du maire ce matin, et le maire tient à avoir une activité médiatique/conférence de presse après votre rencontre avec lui. Au fait, le maire a dit aux médias aujourd'hui que vous auriez une rencontre... avec lui vendredi. Donc, la conférence de presse va inclure le maire, Lyne et vous-même afin de faire quelques commentaires et de répondre aux questions. »

Plus loin dans son courriel, Neufeld a fait mention à Watson d'un autre détail non habituel concernant ses discussions privées avec le bureau du maire de Montréal.

« Lorsque le bureau du maire a demandé quelles « nouvelles » vaudraient la peine d'être dites à la conférence de presse, j'ai mentionné que l'ONÉ a annoncé un bureau à Vancouver, et que nous considérions un bureau à Montréal - mais que la décision finale n'a pas encore été prise - et que le dossier sera seulement complété vendredi matin. »

Difficile de savoir si le maire était conscient de ce qui se disait dans les coulisses de l'ONÉ.

L'ONÉ affirme qu'il n'a jamais tenté d'induire en erreur Coderre. Cependant, pour les hauts gradés du régulateur des pipelines au Canada, la photo avec le maire lors de la conférence de presse, qui a finalement eu lieu le 16 janvier 2015, était une étape importante d'un plan de communication soigneusement élaboré. La stratégie impliquait également une série de rencontres à Montréal, dont une avec l'ancien premier ministre Jean Charest, afin de réfléchir à des idées pour promouvoir les hydrocarbures et les pipelines au Québec, qui est majoritairement opposé au développement de ces projets.

L'ONÉ a tous les pouvoirs d'une cour fédérale. Il a également le mandat de réviser et de superviser de manière juste et équitable les oléoducs sous compétence fédérale ainsi que d'autres projets majeurs de transport d'énergie.

Alors que le régulateur revient à Montréal la semaine prochaine [à noter, l'article a été publié en anglais le 26 août], cette fois pour le projet controversé Énergie Est de 4 500 km, de nouveaux détails ont été dévoilés sur la visite inhabituelle de 2015 qui a mené à une explosion d'accusations sur le processus biaisé qui avantage indûment l'expansion massive des sables bitumineux. Les accusations ont incité le maire Coderre à demander la suspension des audiences ce jeudi, et de bons indices indiquent qu'il était en train de négocier directement avec le régulateur pour éviter les dérapages.

L'ONÉ a accepté les critiques, mais avance que l'objectif des rencontres était d'améliorer l'engagement avec la population québécoise.

Le commissaire Jacques Gauthier, qui était accompagné par Watson et Mercier lors de la rencontre avec Charest, est critiqué de toutes parts pour avoir initialement accepté un courriel du bureau de Jean Charest via un compte personnel pour ensuite l'inviter à une rencontre privée sur Énergie Est, à l'extérieur du processus officiel de révision du pipeline.

Des avocats représentant des groupes environnementaux du Québec et de l'Ontario ont demandé que Gauthier et Mercier soient récusés des audiences. Les dernières révélations démontrant que Mercier a été impliquée dans l'élaboration du plan de communication pourraient ajouter de l'huile sur le feu.

Jusqu'à présent, l'ONÉ a dit qu'il allait considéré ces demandes de récusions dans quelques semaines, mais il compte continuer la révision du projet Énergie Est menée par Gauthier, Mercier et Roland George. [depuis la parution de cet article, l'ONÉ a suspendu indéfiniment les audiences]

Les environnementalistes se demandent pourquoi un tribunal fait la promotion des pipelines

Carole Dupuis, coordinatrice du Regroupement Vigilance Hydrocarbure Québec (RVHQ), a analysé les documents obtenus par le National Observer grâce à la Loi sur l'accès à l'information.
Après cette lecture, elle a déclaré qu’il était clair que l’ONÉ essayait d’utiliser le maire pour augmenter l’appui.. Elle a ajouté que l'Office devrait se concentrer sur son mandat de régulateur plutôt que de faire du marketing pour les pipelines.

« Pourquoi un tribunal fait-il des relations publiques? C'est quoi ça? » A-t-elle demandé. « Je pense que la population est beaucoup plus intelligente et qu'elle voit plus loin que ces manigances. »

Traduction par écoQuébec Info

Lire la version originale de ce texte en anglais ici.