La Cour d'appel de l'Ontario a rejeté la tentative de Produits forestiers Résolu (PFR) d'étendre la portée de sa poursuite en diffamation de 7 millions $ contre Greenpeace.

Les juges ont confirmé une décision antérieure qui a rejeté la tentative du géant forestier d'agrandir la poursuite afin d'inclure plusieurs actions et déclarations passées de l'organisation environnementale. La Cour a jugé que cela transformerait le procès en « enquête sur l'ensemble du mouvement Greenpeace. »

Les juges ont rendu leur décision le 21 février, mais les détails ont été publiés seulement vendredi par Greenpeace Canada. Le procès initial suit son cours.

PFR a des activités au Québec, en Ontario et aux États-Unis, et il s'agit de l'une des plus grandes compagnies forestières au Canada. Elle poursuit Greenpeace Canada pour diffamation concernant les allégations selon lesquelles l'entreprise aurait coupé du bois à l'extérieur des limites permises en forêt boréale.

Cette décision vient confirmer une autre décision que la Cour supérieure de l'Ontario a rendue l'automne dernier. La compagnie voulait étendre la portée sa poursuite afin d'inclure les actions et les déclarations passées des différentes divisions de Greenpeace à travers le monde.

Dans sa décision publiée à la fin de l'année 2016, la Cour avait rejeté l'argument de Résolu, considérant que cela « élargirait grandement l'étendue du litige et que cela transformerait le procès en enquête sur Greenpeace. » L'avocat de PFR a argué que Greenpeace a un historique de « sensationnalisme ou de déformation de la vérité » et de violation des lois lors de manifestations en environnement.

Dans sa décision précédente, les juges ontariens ont conclu que Résolu n'avait pas fourni « un seul exemple » pour prouver les allégations, et que ces dernières « n'avaient pratiquement rien à voir avec » les allégations de diffamation en cause dans le procès.

Le chef de la campagne forestière de Greenpeace Canada, Shane Moffatt, a déclaré que Greenpeace « continuera de maintenir que notre critique des pratiques forestières de Résolu est basée sur une opinion fondée sur des données scientifiques fiables. »

Récemment, PFR a aussi été au cœur d'une dispute avec le Forest Stewardship Council (FSC), organisme responsable de certifier les pratiques durables en forêt. Ce dernier l'a menacé de lui retirer sa certification.

Les allégations « ont causé un dommage économique » à Résolu et aux communautés, affirme la compagnie

La décision de la cour permet à PFR de continuer sa poursuite, mais elle limite sont étendue principalement aux déclarations originales de Greenpeace que Résolu considère diffamatoires.

« Cela ne change en rien la base de notre affaire contre Greenpeace », a déclaré le porte-parole de PFR, Seth Kursman, dans un courriel au National Observer. « Nous avons la responsabilité morale et éthique de les tenir imputables pour leur campagne illégale de désinformation. »

Kursman considère que Greenpeace « n'a pas seulement causé des dommages économiques à PFR, mais qu'elle a également touché directement nos consommateurs, nos employés, des partenaires des Premières Nations, des syndicats, des propriétaires de petites entreprises et d'innombrables autres dans les communautés où nous opérons. »

PFR poursuit Greenpeace Canada depuis 2013 à propos d'un rapport publié par le groupe écologiste concernant les activités forestières de la compagnie.

Les avocats de Résolu affirment que Greenpeace a tenté d'intimider ses clients et qu'elle a essayé de les convaincre d'arrêter d'acheter ses produits.

La poursuite vise à museler les défenseurs de l'environnement, argue Greenpeace

Résolu poursuit aussi Greenpeace aux États-Unis pour 300 millions $ en vertu des lois américaines sur le « racket » qui, à l'origine, ont été conçues pour lutter contre le crime organisé.

Greenpeace a déclaré que le procès pour diffamation en Ontario, qui demande 7 millions $ en dommages, fait partie d'une série de poursuites visant à faire taire les critiques.

Moffat a dit au National Observer qu'il était préoccupé que cette poursuite, ainsi que d'autres du même type, puissent dissuader les opposants à participer au débat public. « La prochaine fois qu'un défenseur de l'environnement ou qu'un groupe communautaire envisagera de se prononcer sur une question importante d'intérêt public, est-ce qu'ils vont y penser à deux fois? Est-ce que c'est ça la conséquence de ce genre de poursuites? »

Résolu a déposé son dossier en Ontario avant que la province légifère en 2015 pour limiter les poursuites-baillons qui visent à museler l'opposition. Le Québec a une loi contre ces poursuites depuis 2009.

« Je peux m'imaginer qu'il serait très difficile pour une petite organisation communautaire, un individu ou une autre ONG de gérer ce genre de poursuite, qui est une poursuite-bâillon selon notre opinion, et qui fait passer le débat de la sphère publique à la cour de justice », a mentionné Shane Moffat.

Il a ajouté « qu'il est intéressant de constater que Résolu a choisi de porter plainte en Ontario plutôt qu'au Québec », étant donné que le siège social de la compagnie ainsi qu'une bonne partie des coupes forestières critiquées par Greenpeace sont au Québec. « Ils ont choisi de déposer la poursuite en Ontario plutôt qu'au Québec, là où il y avait déjà une loi contre les poursuites-bâillons à l'époque. »

En réplique aux allégations de poursuite-bâillon, le porte-parole Kursman a dit « que la liberté d'expression ne signifie pas que vous avez le droit de diffamer. L'utilisation de mensonges malveillants et diffamatoires n'est pas protégée. »

Il a mentionné que PFR poursuit Greenpeace en Ontario parce qu'elle a de nombreuses activités forestières dans la province. De plus, c'est lors de la rencontre générale annuelle à Thunder Bay en Ontario que Greenpeace a distribué un rapport « terriblement inapproprié et trompeur », incluant quelques-unes des déclarations que Résolu juge diffamatoires.

Ce texte a été mis-à-jour à 17h20 pour corriger le fait que la dernière décision a été prise par la Cour d'appel de l'Ontario

Traduction écoQuébec Info

Lire sur le National Observer pour les citations originales (en anglais)

Keep reading