En cette fin des travaux parlementaires qui précèdent les vacances, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-44 qui, entre autres, crée la Banque de l’infrastructure du Canada.

Cette société d’État fédérale vise à canaliser les investissements du monde financier dans des infrastructures privées. N'oublions pas que C-44 est une loi de de plus de 300 pages qui modifie et édicte une quantité de lois fédérales couvrant une foule de domaines. C’est une autre loi « mammouth », comme au temps de M. Harper.

Après avoir accordé le siège social de la Banque à Toronto au détriment de Montréal, voici que le gouvernement de M. Trudeau accorde des privilèges extraordinaires aux compagnies privées qui recevront du financement de cette Banque d'infrastructure du Canada. En effet, si l'infrastructure « privée » fait des profits, l'investisseur empochera une partie des profits. Si elle fait des pertes, le gouvernement, et donc les Canadiens, pourrait se retrouver à assurer les pertes.

Tout comme dans le projet de loi C-29, où Ottawa voulait mettre les banques à l'abri de la loi québécoise sur la protection des consommateurs, C-44 laisse un flou juridique qui pourrait permettre aux projets financés par la Banque d'infrastructure du Canada de contourner les lois québécoises et les règlements municipaux. L’inquiétude est telle que, le 31 mai dernier, l’Assemblée nationale du Québec a adopté unanimement une résolution pour affirmer « l’application de toutes les lois du Québec aux éventuels projets soutenues par la Banque d’infrastructure du Canada ».

Là est donc le problème majeur du projet de loi C-44 : il modifie l'équilibre des pouvoirs entre les divers paliers de gouvernement. Si elle est adoptée telle quelle, tout projet ou infrastructure financé par la Banque d'infrastructure pourraient échapper à la juridiction des provinces. À titre d'exemple, si le projet d’oléoduc Énergie Est était en partie financé par cette banque, la loi québécoise sur l'environnement, le BAPE, et tous les schémas d'aménagement des municipalités pourraient devenir caducs. Avec cette nouvelle loi, TransCanada pourrait « légalement » passer outre les objections du Maire Denis Coderre et de ses 81 collègues de la Communauté Métropolitaine de Montréal.

Alors, en ce 1er juillet du 150e anniversaire de la Confédération, nous pourrons également fêter les 35 ans de la relégation du Québec dans les limbes constitutionnelles. Le 1er juillet sera le « Quebec's national moving day » : en déménageant nos boîtes et nos électroménagers, on pourra célébrer notre exclusion de la grande famille canadienne en mangeant une pointe de pizza et en buvant une bière.