La semaine dernière, le parlement fédéral a tenu une session extraordinaire afin d’adopter le projet de loi C-13 sur la réponse économique à la crise COVID-19 alors que le parlement est autrement suspendu. Bien que les négociations nocturnes aient réussi à éviter la concentration du pouvoir dans les mains d’un seul ministre, certains mécanismes problématiques se sont tout de même glissés dans notre corpus législatif sans débat parlementaire rigoureux.

Laisser trop de pouvoir discrétionnaire et décisionnel dans les mains d’un petit groupe non représentatif de notre société nous met à risque de répéter les erreurs du passé, comme le plan de relance économique après la crise financière de 2008 qui n’a sauvé ni les compagnies ni les citoyens de fermeture d’usines et de pertes d’emplois. Un article paru dans le Globe & Mail de la semaine dernière relayait les attentes du Premier ministre de l’Alberta quant à ses espoirs d’obtenir du support financier pour l’industrie pétrolière et gazière de l’ordre de 15 milliards de dollars de la même façon qu’Ottawa avait supporté l’industrie automobile après la crise de 2008 par des amendements au mandat d’ Exportation et Développement Canada (EDC) et l’usage du Compte du Canada pour investir de l’argent public dans ces compagnies en difficulté.

C’est ce même compte qui a permis l’achat du pipeline TransMountain. Malheureusement, EDC est aussi vivement critiqué pour son support aux industries des sables bitumineux ainsi qu’à des projets à l’étranger impliquant des violations de droits humains et la corruption. L’institution contemple d’ailleurs un prêt pour le controversé pipeline Coastal Gas Link, projet à l’origine des blocages de solidarité autochtones du mois dernier.

Les amendements au cadre juridique d’EDC adoptés la semaine dernière permettent une encore plus grande discrétion pour le gouvernement d’augmenter les dettes et les transactions risquées que l’institution pourra supporter par le biais du compte du Canada, pavant la voie aux potentiels sauvetages corporatifs.

Quant au « sauvetage » de l’industrie automobile de 2008, le vérificateur général du Canada opinait en 2014 qu’il « était impossible d’avoir une vue d’ensemble de l’aide accordée, de son incidence sur la viabilité des sociétés, des sommes recouvrées et des pertes enregistrées ». Il y soulignait l’absence de rapport d’information complet au parlement, une lacune flagrante de reddition de comptes, transparence et délibération publique. Plusieurs ont avancé qu’il a résulté de ces mesures, une perte de milliards de dollars de fonds publics sans grande amélioration pour les travailleurs puisque les usines automobiles ferment toujours dix ans plus tard.

2020 avait été désignée l’année des faillites pétrolières bien avant l’arrivée de COVID-19 en raison non seulement des dernières décisions de l’OPEC de forcer un prix du baril de pétrole historiquement faible, mais surtout du désintérêt des secteurs des finance et assurance qui s’accélère depuis des années. Nous devons faire face à la réalité : le secteur pétrolier ne fournira pas le grand nombre d’emplois à long terme dont nous aurons désespérément besoin à la sortie de cette pandémie.

Nous ne pouvons pas laisser ce moment de vulnérabilité être exploité par les pressions d’une industrie qui nous emprisonne dans le passé et nous laisse un passif environnemental évalué jusqu’à 260 milliards de dollars. Nous devons plutôt innover pour rattraper les économies basées sur de technologies propres plus performantes sur les plans économique et environnemental dont le développement futur obtiendrait l’acceptabilité sociale par des gains réels en bien-être humain.

Nous nous devons d’avoir un grand dialogue public ainsi qu’une surveillance et reddition de comptes parlementaires afin d’identifier les secteurs d’avenir qui nous permettront de construire des économies véritablement résilientes et soutenables et d’éviter les cul-de-sacs historiques.