Kenza Elazzouzi était en route pour aller voir des amis dans le paisible quartier de Sainte-Foy dans la ville de Québec. C’était un dimanche soir, le 29 janvier 2017.

Des sirènes hurlaient, mais la résidente de Sainte-Foy les a ignorées, présumant qu’il devait s’agir d’un autre événement en basse-ville.

Lorsqu’elle est arrivée à l’intersection à 50 mètres de la mosquée du coin, des agents de la police avaient barré la route. Ils l’ont arrêté et ont «pointé leurs armes» vers la fenêtre de sa voiture. Quelques minutes plus tard, elle apprenait les nouvelles du carnage qui s’était déroulé à l’intérieur : un tireur s’était précipité dans la mosquée, avait tué six fidèles et en avait blessé 19 autres.

« Ils courraient partout, c’était weird, » se rappelle Elazzouzi.

Elle s’est stationnée sur le côté de la rue, et a vu le fils adolescent d’un ami proche qui pleurait.

« Je l’ai pris dans mes bras et il criait « mon père, mon père, mon père », elle a raconté lors d’une entrevue, le regard fixé sur la table dans un café de Sainte-Foy. «C’était dur ».

Elazzouzi fait partie des canadiens qui se préparent à commémorer l’attaque terroriste qui a fait les manchettes partout sur la planète, lors son premier anniversaire. L’Observateur national a parlé avec plusieurs membres de la communauté de Sainte-Foy alors que des commémorations de quatre jours pour les victimes et leurs familles, du 26 au 29 janvier sont en train de s'organiser.

L’adolescent dans l’histoire d’Elazzouzi est le fils d’Azzedine Soufiane, un père de trois enfants qui était âgé de 57 ans, et boucher dans un commerce local. C'est aussi l'un des six hommes tués dans l’attaque au Centre Culturel Islamique de Québec.

Alexandre Bissonnette, qui était âgé de 27 ans et étudiait à l’Université Laval au moment des événements, est accusé de six chefs de meurtre et six chefs de tentative de meurtre. Il comparaîtra au tribunal à la fin du mois de mars cette année.

« Il n’arrêtait pas de dire 'reste avec nous, ne ferme pas tes yeux, reste avec nous, reste avec nous ', s'est rappelé Derbali. Ses paupières se faisaient malheureusement trop lourdes pour garder ses yeux ouverts.

Bissonnette aurait vraisemblablement pénétré dans la mosquée vers 19 h 45 le 29 janvier 2017, où plus de 60 personnes discutaient ensemble après les prières. Karim Hassane, Khaled Belkacemi, Ibrahima Barry, Aboubaker Thabti, Mamadou Tanou Barry et Soufiane furent tués, et 19 autres personnes furent blessés.

Une femme appelle à la paix lors d'une vigile à la chanelle tenue à Ottawa après l'attaque à la mosquée de Québec le 29 janvier 2017. Image d'Alex Tétreault.

Témoignage d'un survivant d'une terrible attaque

Aymen Derbali n’a rouvert les yeux que deux mois après l’attaque, dans un hôpital. Il a été plongé dans un coma et a subi quatre arrêts cardiaques. Le père de trois enfants, âgé de 41 ans et originaire de la Tunisie, est le survivant ayant subi les blessures les plus sévères de l’attaque. Il a été atteint de sept balles, le laissant paralysé des jambes et partiellement paralysé des mains.

Il a aujourd’hui besoin d'aide importante.

Si les docteurs s’inquiétaient d’une possible perte de mémoire suite aux longs arrêtes cardiaques, ses souvenirs des événements tragiques sont bien restés. Il a parlé avec l’Observateur national à partir du centre de réadaptation où il habite maintenant.

Il s’est souvenu d’être arrivé en tard et d’être entré dans la mosquée juste après le tireur. Il a dit ne pas avoir vu les deux corps étendus près de l’entrée . Il s’était rendu plus loin dans le corridor pour enlever ses souliers et aller dans la salle des prières.

Les gens dans la salle avaient l’air inquiets et c’est alors qu’il s’est rendu compte qu’il y avait un homme portant un chandail blanc tenant une arme à sa gauche, a-t-il dit. Il croit qu’il s’agissait du même homme qui était entré dans la mosquée juste avant lui.

Derbali a raconté qu'il s'est immédiatement à réfléchir : il était encore près du corridor et pouvait aller se cacher dans les toilettes, ou il pouvait rester où il était pour attirer l’attention de l’homme et essayer de l'empêcher de tirer sur les autres lui faisant face.

Il a choisi la deuxième option.

« J’ai commencé à regarder en haut, et en bas, et je donnais l’impression que j’allais courir », dit-il, assis dans son fauteuil roulant dans une salle de conférence du centre de réadaptation. « Quand il m’a vu, il a vu que mes gestes étaient bizarres donc il regardait dans ma direction ».

Se rappeler les événements était visiblement épuisant pour lui et il devait parfois prendre une pause pour respirer.

Depuis juillet, Derbali est dans un centre de réadaptation où il a des sessions quotidiennes de physiothérapie et d'ergothérapie. Il rencontre aussi régulièrement une nutritionniste et une travailleuse social. Il apprend à s'adapter à sa nouvelle situation et à reprendre de la force musculaire avec ses mains.

Des témoins qui ont parlé avec Derbali après l’attaque affirment que le tireur lui a tiré dessus plusieurs fois, jusqu’à ce que son arme s’enraye. Il se souvient de quelques moments comme celle d’un homme penché sur lui.

« Il n’arrêtait pas de dire “reste avec nous, ne ferme pas tes yeux, reste avec nous, reste avec nous », s'est rappelé Derbali.

Ses paupières se faisaient malheureusement trop lourdes pour garder ses yeux ouverts.

Finalement, le dernier moment dont il se souvient est celui de l'arrivée des policiers à la mosquée.

« Le policier a dit “personne ne bouge, les mains en l’air, ne bougez pas, personne ne bouge », dit-il. « Le policier qui était en face de moi tenait trois personnes par terre et il criait “personne ne bouge” et j’ai vu à ma droite un autre policier et là, j’ai perdu conscience ».

Il est considéré comme un héro pour avoir risqué sa vie pour sauver celles des autres.

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Kenza Elazzouzi, résidente de Sante-Foy et co-organisatrice des commémorations de l'attaque terroriste de l'an derrnier pose pour une photo près de la mosquée où la police l'a arrêtée la soirée de l'attaque. Photo prise par Clothilde Goujard le 19 janvier 2018.

Des nuits blanches après l'attaque

En toute sécurité à la maison, Elazzouzi n’a pas pu dormir cette nuit-là. Ni pour plusieurs nuits qui ont suivi. Elle réconfortait ses amis : certains avaient été témoins de l’attaque, d’autres avaient perdus un proche. Certains encore étaient sous le choc: ils ne parvenaient pas à comprendre ce qui s'était passé.

Elle aussi peinait à comprendre. Après 35 ans de vie à Québec, elle ne s’était jamais imaginé qu’une telle violence était possible.

« J’étais vraiment bouleversée », a-t-elle dit. « Je n'ai pas été capable de rentrer au bureau. Je n'ai pas été capable de faire un paquet de choses».

Elle s’est concentrée sur sa communauté.

« J’étais avec les familles… je suis devenue comme un support, je suis devenue forte pour mes amis. », s’est-elle rappelée. « Il y avait plus rien qui était important, ni le travail, ni quoi que ce soit. C’était de se rassembler, et d’être solidaire et de soutenir mutuellement ».

Josée Bélanger n’a pas dormi beaucoup non plus cette nuit-là ; l’école publique où elle travaillait est située à 200 mètres de la mosquée. Environ 200 élèves fréquentent l’école Notre-Dame-de-Foy et 81 pour cent de ceux-ci ont des parents immigrants. Quarante pour cent des enfants sont musulmans selon Bélanger.

Étant l'un des points de contact de l’école en cas d’urgence, le téléphone de Bélanger a commencé à sonner un peu après 19 h 45, le 29 janvier 2017. Au début, elle a ignoré les avertissements du téléphone, mais alors que le temps passait, elle s’est rendu compte que quelque chose clochait.

Ils ont pris la décision de garder l'école ouverte

Elle n’a pas eu beaucoup de temps pour encaisser le choc de la nouvelle. Elle a appelé le directeur et s’est occupée de la coordination des professeurs et du personnel qui lui envoyait des textes, courriels et messages Facebook, tous chargés d’inquiétudes. Ensemble, ils ont pris la décision que l’école resterait ouverte la journée suivante.

Les rumeurs se répandaient et ni le nombre de tireurs ni l’étendue de l’attaque n’étaient connus à ce moment.

« Ce qui était clair c’est que l’école ne fermait pas » a-t-elle dit le 18 janvier dernier, près d’un an plus tard, en entrevue avec l’Observateur national. « On s’est dit on va mettre en place des mesures et des moyens pour rassurer les parents et les enfants et le message qu’on voulait passer aux parents et aux enfants cette journée-là, c’est que si on se sentait pas en sécurité nous-même, on ne serait pas à l’école aujourd’hui ».

Le personnel de l’école avait reçu la directive d’agir aussi normalement que possible, s’est-elle rappelée. Les enfants utiliseraient la cour d’école comme à l’habitude, mais avec plus de supervision. Ils ont pu confirmer qu’aucun parent de leurs élèves n’avait été tué, même si deux des victimes étaient professeurs d’arabe et de religion de plusieurs étudiants à la mosquée. Certains des parents avaient également été témoins de l’événement.

Bissonnette, le tireur présumé, avait été arrêté et un périmètre de sécurité autour de la mosquée qui comprenait l'école était toujours en vigueur. Des équipes de policiers surveillaient les rues, et les enfants et parents qui venaient à l’école étaient escortés. Trente-cinq élèves sont restés à la maison parce qu’ils faisaient partie de familles proches des victimes ou que leurs parents craignaient pour leur sécurité.

Quand les cours ont débuté, les enseignants ont demandé aux enfants s’ils avaient remarqué ou entendu des choses inhabituelles.

« Les plus petits, ce qu’ils ont remarqué, c’était les monsieurs habillés en noir avec des mitraillettes, tous les véhicules d’urgence qui étaient sur notre rue qui étaient partout, les sirènes qu’on entendait fréquemment », a dit Bélanger.

D’autres étaient plus angoissés. Certains vivaient dans les immeubles à appartements derrière la mosquée et avaient entendu des coups de feu.

Les élèves visiblement plus touchés ont reçu du soutien et un suivi dans une pièce tapissée, éclairée d’une lumière tamisée, dans un centre de crise que Bélanger gérait. Elle a dit avoir été préoccupée par ce qu’elle y a entendu.

« Est-ce qu’on va mourir ? Est-ce qu’il pourrait revenir à l’école ? Est-ce qu’on va être attaqué ? Qu’est-ce qu’il va arriver si quelqu’un entre dans l’école ? » Autant de questions posées par les enfants.

« Toutes ces questions-là qui étaient pas nécessairement abordées avec les parents » a-t-elle expliqué, « mais les enfants osaient nous poser les questions ».

Les enseignants ont consolé parents et élèves

Un deuxième centre de crise a été ajouté pour les parents et élèves qui étaient plus touchés. Bélanger a dit que les parents étaient plus affectés, puisqu’ils comprenaient la véritable horreur de ce qui venait de se produire : « On a eu des parents qu’on a serrés dans nos bras, on a dû recevoir leurs inquiétudes, leurs pleurs, leurs angoisses, leur tristesse. »

France St-Onge, directrice par intérim, ne travaillait pas à l'école lors des événements, mais croit que les gens, surtout les immigrants et les réfugiés, ne faisaient pas que le deuil de leurs amis, mais aussi de la disparition du sentiment que le Canada était un endroit sûr pour eux.

Certains parents ont dû être convaincus de laisser leurs enfants retourner à l’école après plusieurs jours d’absence.

« Une madame me disait qu’elle avait entendu des coups de feu et elle me disait «moi j’ai fui mon pays parce que c’est ce que j’entendais dans les rues chez moi, et là, je suis au Québec et c’est ce que j’entendais dans les rues chez moi,»  » disait Bélanger.

Ce lundi soir, plusieurs élèves et membres du personnel de l’école se sont retrouvés parmi des milliers de citoyens de la ville de Québec à une vigile à la chandelle à l’extérieur de l’église de Sainte-Foy. Des vigiles solidaires ont eu lieu partout au pays.

« Nos parents qui nous avait vus marcher, vus être présents nous avait dit ça m’a fait du bien de vous voir sur place, on sent que vous êtes avec nous », a dit Bélanger.

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Josée Bélanger (gauche), agente de réhabilitation en psychoéducation, et France St-Onge (droite), directrice par intérim de l'école Notre-Dame-de-Foy, veulent faire des commémorations un évènement positi et rempli d'espoir pour leurs étudiants. Image prise à Québec le 18 janvier 2018 par Clothilde Goujard.

Le processus de guérison débute

Sébastien Bouchard était un organisateur de la vigile. Alors que l’heure prévue approchait, il faisait les cent pas. La personne qui devait animer la vigile était coincée dans le trafic. Il a donc demandé à Elazzouzi qui n’a pas hésité une seconde.

« J’avais besoin de faire quelque chose, j’avais besoin de m’impliquer et de donner, » dit-elle.

À l’école Notre-Dame-de-Foy, il y avait également ce désir d’en faire plus. Le lendemain de la vigile, deux jours après les événements tragiques, Bélanger et le personnel de l’école ont travaillé pour rassurer les élèves et pour favoriser un environnement positif.

« On voulait que les enfants puissent s’impliquer dans la solidarité pour dire «on est fort, on se serre les coudes même si on est pas tous québécois et qu’on a toutes sortes de religions ici, on va démontrer qu’on veut aller de l’avant pareil,»  » a-t-elle dit.

Les enfants ont fait des étoiles en papier et ont écrit des mots encourageants pour leur communauté à l’intérieur. Les enseignants les ont placées dans la neige près de l’entrée de l’école, où les parents y avaient déjà laissé des chandelles et des images.

Cette commémoration touchante est restée à l’extérieur de l’école pendant une semaine. Puis, les étoiles ont été ramenées à l’intérieur et placées dans une boîte où les enfants pouvaient rajouter de nouveaux dessins et des messages, ainsi que des questions ou des appels à l’aide.

Après quarante jours de deuil, basé sur les traditions musulmanes, les élèvent et les enseignants ont rassemblé les 200 étoiles et les ont amenées à la mosquée pour les donner à son imam.

Quand fut le temps du ramadan à la fin du printemps l’année dernière, certains enfants musulmans étaient inquiets que des « gens aux mauvaises intentions » puissent « leur faire du mal » , a dit Bélanger. Mais le personnel de l’école a continué à les rassurer et les enfants ont graduellement retrouvé leurs routines appaisés.

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Des parents attendent pour traverser la rue près de Notre-Dame-de-Foy alors qu'un autobus scolaire quitte l'école à la fin de la journée le 18 janvier 2018. Image de Clothilde Goujard.

Un père dévoué se rétablit

Derbali a dit que ses amis et sa foi l’ont aidé à guérir depuis l’attaque.

Sa femme, Nedra, est restée à ses côtés « près de douze heures par jour de midi à minuit », pendant que sa famille et ses amis restaient à la maison pour s’occuper de ses trois enfants, âgés à l'époque d’un, quatre et huit ans. Il a dit que de les savoir présents est ce qui l’a le plus aidé à se remettre.

Derbali est un père dévoué qui partage sa passion du soccer avec son ainé, Ayoub, et l’emmenait à ses séances d’entrainement. Après le travail, il jouait avec son second fils, Youssef, qui est autiste. La plus jeune, Myriam, n’avait même pas un an quand il a été blessé.

Il a dit qu’Ayoub, son fils ainé, a été traumatisé et a reçu de l’aide d’un thérapeute.

« Jusqu’à maintenant, il n’arrête pas de parler de ce qui s’est passé, de relater les détails de ce qui s’est passé, de chercher sur internet des vidéos, des textes, » a dit Derbali.

Quand sa femme a amené la plus petite pour le visiter à l’hôpital quand il a ouvert les yeux, elle s'est mis à pleurer.

« Elle avait peur de moi », dit Derbali. « Dès que sa mère l’approchait de moi, elle pleurait. »

Il affiche un sourire soulagé en disant qu’elle est maintenant en train de s’habituer à lui et de dire « papa ».

Il rentre à la maison les fins de semaine, mais son appartement n’est pas adapté à ses nouveaux besoins. Environ 287 000 $ ont été recueillis pour lui acheter une maison adaptée au travers d’une campagne de sociofinancement lancée en décembre dernier par une organisation musulmane canadienne à but non lucratif, appelée DawaNet.

« Ma foi m’aide à garder espoir tout le temps » dit-il. « C’est sûr que des fois, on se sent faible, mais on revient vers la foi. Je suis retourné à la mosquée prier et ça m’a aidé ».

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La sécurité a changé depuis l'attaque au Centre Culturel Islamique de Québec, vu ici le 17 janvier 2018. Image de Clothilde Goujard.

Mesures de sécurités élévées et permanentes

Le Centre Culturel Islamique de Québec est changé à jamais. Ses portes sont maintenant verrouillées en permanence et ses membres requièrent des cartes magnétiques pour y accéder.

La surveillance par caméra est accrue. Des blocs de béton ont été placés à l’entrée, mais ils ont dû être enlevés pour faciliter le déneigement, ce qui rend Boufeldja Benabdallah, cofondateur et vice-président de la mosquée, inconfortable.

Même avant l’attaque terroriste, la mosquée avait été ciblée. Le 19 juin 2016, une tête de porc accompagnée d’une note sur laquelle on pouvait lire « bonne appétit» [sic] avait été retrouvée devant sa porte. Le 20 novembre 2014, elle était l’une des trois mosquées de Québec qui avait retrouvé des affiches collées sur ses portes sur lesquelles on pouvait lire « Islam hors de chez moi ». Après la tuerie de 2017, le sentiment d’insécurité a augmenté chez beaucoup de musulmans de la ville de Québec.

La voiture incendiée du président de la mosquée le 6 août dernier a continuer d'accroitre le sentiment que plus de mesures de protection étaient nécessaires.

« Moi, j’ai des systèmes de sécurité. Les gens s’achètent des systèmes de sécurité pour veiller sur les enfants, sur leurs maisons » a indiqué Bennabdallah, qui a parlé avec l’Observateur national le 17 janvier 2018.

La présence de plus en plus manifeste de groupes d’extrême droite dans la capitale du Québec, dont La Meute et Atalante, ne fait qu’augmenter le sentiment d’insécurité.

« On a peur. C’est un dégoût, un ras-le-bol de l’émergence de cette sorte de groupes », a expliqué Bennabdallah. « Ça fait 48 ans que je suis ici. Les gens de La Meute, de Atalante, certains je leur dis “je suis plus vieux que vous dans ce pays, alors n’allez pas me dire remigration” ».

Quatres jours de commémorations planifiés

Benabdallah et le Centre Culturel Islamique de Québec ont travaillé avec la ville de Québec, les familles des victimes, l’Université Laval, le diocèse de la ville de Québec, ainsi que le groupe Commémoration Citoyenne afin de planifier quatre jours de commémoration de l’attaque, du 26 au 29 janvier. Benabdallah croit qu’il est nécessaire de se rappeler de la tragédie comme une « leçon pour l’humanité et la société », mais aussi pour sonner l’alarme quant à l’ascension des groupes qui propagent la haine.

« On est en train de dire à la société, prenez acte, faisons attention, gardons cette générosité qui est la nôtre, en tant que citoyens» dit-il. «Gardons cette générosité, cette empathie et faisons attention à cette minorité montante, parlons à cette minorité».

Depuis la vigile de l’an dernier où Elazzouzi a pris le microphone et a dirigé les discours, elle est restée active dans le combat contre la haine à Québec, ville qu’elle considérait comme un havre de tolérance avant la tuerie.

Depuis les derniers mois, elle travaille avec une douzaine de gens de différents milieux, emplois et religions, qui ont formé un groupe appelé Commémoration Citoyenne pour organiser des cérémonies pour le triste premier anniversaire.

«Il faut être solidaire, créer un espace où les gens peuvent se recueillir, apporter du support aux familles, dénoncer ce crime-là qui est inacceptable, être solidaire autant avec les familles musulmanes que l’entourage, le voisinage,» dit Elazzouzi.

Benabdallah s’assure également que les familles des victimes et les membres de la mosquée reçoivent du soutien dans les jours à venir. Il a dit que la mosquée a mis plusieurs psychologues à la disposition de ces derniers pour répondre aux questions ou donner des conseils lors des commémorations.

Il est également inquiet à propos du mois de mars, où Bissonnette, le tireur présumé, doit comparaitre en cour dans un procès d’une durée prévue de deux mois.

«Ce procès va de nouveau ouvrir des plaies, qui va de nouveau faire couler beaucoup d’encre,» dit Bennabdallah. «Mais le deuil doit se terminer. Ça doit finir».

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Boufelja Benabdallah, cofondateur et vice-président du Centre Culturel Islamique de Québec, s'inquiète à l'approche du procès d'Alexandre Bissonnette. Image de Clothilde Goujard prise le 17 janvier 2018.

Bien qu’il n’y fût pas présent, Benabdallah dit que c’est émotionnellement épuisant de continuellement penser à l’attaque. «C’est curieux, nous on a pas vécu la tuerie, mais c’est extrêmement dur» dit-il. «On y pense tous les jours, tous les jours, toujours, alors pourquoi on arrive pas à se détacher ?» Il s’est arrêté un moment, en retenant des larmes, dans une pièce à l’étage supérieur du CCIQ qui était autrement désert au moment de l’entrevue.

France St-Onge, la directrice par intérim de l’école Notre-Dame-de-Foy, a participé à une rencontre avec les autres directeurs des écoles de la Commission Scolaire des Découvreurs, et a dit que le sentiment y était similaire. Plusieurs directeurs ont dit que leurs étudiants éprouvent encore des difficultés un an plus tard à se souvenir des évènements. «Un directeur d’école a dit ‘moi j’ai interpellé directement les jeunes touchés par ça et ils ont dit non, on ne veut pas un événement spécial pour rebrasser tout ça.’ Il se faisait quand même quelque chose à l’école de sobre, signature de registre ou porter quelque chose,» a-t-elle rapporté. «Mais on ne veut pas tomber dans quelque chose de sensationnel ou de dramatique».

Les élèves de Notre-Dame-de-Foy vont faire des nouvelles étoiles cette année, avec des messages de paix et de diversité qui seront placés dans les fenêtres des classes pour que les résidents du quartier puissent voir qu’ils travaillent à créer quelque chose de beau, a dit Bélanger. «On va prendre quelques minutes pour faire une activité pour dire à notre communauté qu’on est solidaire, qu’on s’aime et qu’on veut la paix ici.»

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