Le Canada et l’Argentine comptent renforcer leur collaboration dans le secteur minier. Le premier ministre Justin Trudeau et son homologue argentin, le président Mauricio Macri, en ont fait l’annonce hier à Buenos Aires, bien qu'une mine d'or canadienne fasse l'objet d'une vive contestation dans la Cordillère des Andes.

«Nous renforceront notre collaboration dans l’industrie minière responsable pour assurer que le développement des ressources naturelles se fasse selon les normes, soit respectueux de l’environnement et socialement responsable», a déclaré M.Trudeau.

Pour sa part, le président Macri a souligné que son gouvernement comptait multiplier les mesures pour favoriser l’investissement canadien dans le secteur minier, y compris la baisse des taxes fédérales aux compagnies minières. Buenos Aires compte inciter les provinces à l’imiter puisque le secteur minier est de leur ressort.

Désastre environnemental

L’annonce survient alors que la mine d’or Veladero exploitée par le géant canadien Barrick Gold, dans la province de San Juan, est accusée du pire désastre minier de l’histoire de l’Argentine: un déversement massif d’eau cyanurée qui a contaminé cinq rivières de la région.

La cause a été portée devant la Commission Interaméricaine des Droits de l’Hommes, à Washington, la semaine dernière. Les plaignants, un groupe d’avocats de Cordoba, ont porté plainte contre l’État argentin pour «violation des droits humains et environnementaux». Selon eux, l’État s’est montré incapable de garantir et de protéger la santé de la population et d’encadrer les activités de Barrick Gold.

En avril, le Ministre de l’Environnement argentin, Sergio Bergman, a confié qu’il fallait «se préparer à un possible scénario de fermeture la mine», rapporte le magazine d’enquête local, Perfil. Puis, en septembre, après un second «incident environnemental» admis par Barrick Gold, mais sans conséquence pour l’environnement selon l’entreprise, le ministre Bergman a à nouveau évoqué l’option d’une fermeture. Cette fois, il a toutefois précisé qu’il ne pouvait pas en donner l’ordre lui-même, car la gestion des ressources minières est de juridiction provinciale.

Responsabilité canadienne

Interrogé sur le dossier Veladero, le Premier Ministre Trudeau a répliqué «nous sommes inquiets à chaque fois qu’il y a un accident ou un problème». «Les attentes du Canada à l’égard de ses compagnies autant sur son territoire qu’à l’étranger sont très très élevées», a-t-il insisté lors d'une conférence de presse conjointe avec le président Macri. M.Trudeau a précisé que le Canada s’est engagé «à travailler avec les autorités locales, et avec les régulateurs, pour démontrer qu’il est un acteur responsable sur la scène internationale».

Le premier ministre n’est toutefois pas revenu sur sa promesse de campagne de nommer un ombudsman indépendant chargé de surveiller les activités des compagnies minières à l’étranger. Pour Me Enrique Viale, président de l’Association des avocats en environnement de l’Argentine, «M.Trudeau va devoir prendre ses responsabilités». «Il ne peut pas continuer à regarder ailleurs, insiste-t-il. Les minières canadiennes partout dans le monde sont synonymes de violation des droits humains et environnementaux.»

Me Viale est d’avis qu’en faisant l’autruche, le gouvernement Trudeau se fait «complice» des dérapages de l’industrie minière. Plus qu’un ombudsman, il recommande à Ottawa de reconsidérer le projet de loi privé présenté par John McKay en 2009 qui préconisait l'imposition de sanctions aux minières engagées dans des activités illégales à l'étranger.